2001, c’est l’année où Silvio Berlusconi remporte pour la deuxième fois les élections législatives. C’est aussi l’année du G8 de Gênes, le plus sanglant dans l’histoire des événements en marge des sommets de ce groupe, rebaptisé G7 depuis la suspension de la Russie en 2014. Seize ans après, le chef de la police Franco Gabrielli, en poste depuis 2016, reconnait formellement les atrocités commises par les forces de l’ordre, dans un entretien publié par le quotidien «La Repubblica». de notre correspondante à Rome, Le G8 de Gênes s’est déroulé, rappelons-le, entre le 20 et le 22 juillet 2001, soit moins de deux mois après le retour au pouvoir de la droite menée par Silvio Berlusconi. Je me souviens d’une ville blindée par 16 000 policiers et carabiniers, dont certains avait un visage de gamin désorienté. Une ville envahie par les altermondialistes mais aussi par des black-blocks, infiltrés un peu partout. La situation a totalement dégénéré dans l’après-midi du 20 juillet, lorsqu’un anti-G8 de 23 ans, Carlo Giuliani, qui tenait un extincteur entre ses mains, a été tué d’une balle dans la tête par un carabinier âgé de 20 ans. Puis, dans la nuit du 21 juillet des forces spéciales se sont introduites dans une école -l'école Diaz, qui servait de dortoir à une centaine de manifestants et quelques journalistes- au prétexte que s’y cachaient des militants munis de cocktails Molotov. Alors que les cocktails- Molotov, a-t-on appris par la suite, avaient été apportés par des policiers. Ce fut une nuit de sang, atroce. D’autant que les exactions commises contre les personnes arrêtées se poursuivirent dans une caserne. Parmi les blessés les plus graves, un journaliste britannique, Mark Covell a eu la main gauche et des côtes fracturées, un poumon perforé, des blessures à la colonne vertébrale. Et il a perdu 16 dents. Cela suffit à comprendre le niveau de cruauté... Pas de «révélations» de la part de Franco Gabrielli ? Ce ne sont pas de véritables révélations mais, pour la première fois, un haut représentant de l’État reconnait que « plus de 500 personnes ont subi des violences physiques et psychologiques qui les ont marqués à vie ». Et que la caserne de Bolzaneto s’est transformée en « boucherie mexicaine », comme l’école Diaz. Il estime, que « les autorités italiennes auraient dû admettre leurs responsabilités ». À commencer par le chef de la police de l’époque, Gianni De Gennaro, dont la démission a été refusée par le ministre de l’Intérieur d'alors. À 68 ans, Gianni De Gennaro est aujourd’hui président d’une société publique qui dépend du ministère du Trésor. La justice a eu la main légère En 2010, les parents de Carlo Giuliani ont saisi la Cour Européenne des Droits de l’Homme, et celle-ci a sanctionné l’Italie pour n’avoir jamais condamné les auteurs des violences policières. De fait, la justice italienne a bien condamné quelques policiers et dirigeants, toutefois les peines n’ont vraiment pas été a la hauteur de la gravité des faits. Certains ont été suspendus de leur fonction, d’autres simplement mutés. Mais il faut savoir que le délit de torture n’était pas reconnu dans le système législatif italien, jusqu'à ce 14 juillet, date de son introduction dans le code pénal. La nouvelle loi, en vigueur prévoit des peines de 4 à 10 ans de réclusion. Mais elle ne sera pas rétroactive pour les responsables des tortures à Gênes, dont certains vont d’ailleurs pouvoir bientôt reprendre leurs fonctions.
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