Dans le Grand Sud de Madagascar, 1,5 million d'habitants ont besoin d'une assistance alimentaire d'urgence, conséquence de trois années consécutives de sécheresse qui ont détruit la plupart des cultures. Même si l'aide alimentaire des organisations humanitaires et celle du gouvernement commencent à affluer dans les villages, elle n'est pas suffisante. Certains ménages n'ont encore rien reçu, d'autres ont déjà consommé les quelques kilos de vivres et de repas chauds distribués. Pour s'en sortir, les familles font appel à des stratégies de survie de derniers recours. « Ça, c'est le tamarin. Je l'ai décortiqué et j'ai ajouté les graines. Après je pile et j'ajoute le mélange d'argile et d'eau. » Comme la plupart des habitants du district d'Amboasary Sud, c'est cette mixture que Bertine Sambetena, 37 ans, et ses enfants avalent pour tromper la faim : « Ce n'est pas bon pour la santé, mais c'est la seule solution. Si ça ne tue pas, ça veut dire qu'on peut le manger. C'est pour ça qu'on l'appelle "la terre qui redonne la vie". Les graines de tamarin comme ça, c'est impossible à manger, c'est trop acide. Donc on ajoute de l'argile. » Pour survivre, cette habitante du village de Fenoaivo a vendu le peu de biens qu'elle possédait, explique t-elle, tout en réduisant en bouillie le mélange de tamarin et d'argile : « Il ne reste qu'une seule marmite et ce que vous voyez là. Quand on n'avait plus à manger, je suis partie vendre les ustensiles de cuisine et un sac de vêtements pour avoir un peu d'argent parce que c'est dur d'entendre les enfants se plaindre du fait qu'ils ont faim. » À quelques pas de la case de Bertine, une dizaine d'enfants, l'air fatigué, sont regroupés sous un tamarinier. Dans leur main, des morceaux de mangues vertes que leur coupe leur mère Kazy Gerady, cultivatrice : « Ça donne la diarrhée aux enfants, mais on ne sait plus quoi manger d'autre. Même moi, je ne le supporte plus, mais on n'a pas le choix. Vous voyez lui, il est très faible. Lui aussi, il a un air étrange. Il n'est pas en forme parce qu'on n'a rien à manger. » Accroupi, le regard vide, Tavilahy, 6 ans, a les bras et les jambes émaciés, le ventre gonflé et les cheveux dépigmentés. Les enfants sont les premières victimes de cette crise alimentaire. Dans le district d'Amboasary, les trois quarts ont quitté l'école, principalement pour aider leurs parents à chercher de la nourriture, indique le PAM. C'est le cas de Masy Toasy, 10 ans : « On cherche des tubercules sauvages. C'est pour ça qu'on est maigre comme ça. Des fois, mes parents me prennent mes cahiers pour les vendre et acheter un peu de riz. » Theodore Mbainaissem est le chef du bureau du PAM dans l'extrême sud de Madagascar : « On va frôler la catastrophe, c'est évident parce que les gens n'ont plus rien à manger. Ils vont supporter pendant combien de temps le fait qu'ils se nourrissent déjà avec les mangues vertes, avec de l'argile et autres. Les adultes, ils supportent tant bien que mal parce qu'il n'y a pas autres choses à manger, mais les enfants ne peuvent pas du tout supporter ça. Même les tamarins, on a constaté. Ils nous ont dit que même le tamarin qu'ils cherchaient dans la forêt sont complètement épuisés. Il n'y a rien. C'est ça l'inquiétude. » Dans la région, 120 000 enfants souffrent de malnutrition aiguë.
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